Dossier pédagogique sur le buste de Roger Nols et la période nolsiste (1970-1994)
Auteurs : Joost Vaesen (VUB), Iadine Degryse (BSI), Pierre Van den Dungen (ULB), Serge Jaumain (ULB), Iris Gysels (VUB), Jetske Strijbos (VUB)
Sommaire
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Message aux enseignantes et enseignants
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Description des ateliers
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Éléments de contexte sur la période nolsiste
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Ressources
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Témoignages
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Exemples de guides d'interviews et d'entretiens
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Retour d'expérience
Chers lecteurs et lectrices,
Ces dernières années, l'attention et les protestations contre les représentations dans l'espace (semi)public de personnes ayant joué un rôle parfois douteux voire négatif dans l'histoire se sont multipliées.
Ce dossier pédagogique porte sur la contestation du buste de Roger Nols, bourgmestre de Schaerbeek entre 1970 et 1989 et dont le buste est situé dans l’hôtel de ville. Partant de quelques scandales politiques et/ou médiatiques de l'ancien élu, plusieurs thématiques de société sont abordées : immigration, droit de vote, citoyenneté, multilinguisme, espace public, discriminations, société civile... Ces thématiques ne se limitent pas à Schaerbeek ni aux années 1970 et 1980 et permettent d'engager un dialogue sur diverses évolutions sociétales en Belgique.
Ce dossier pédagogique est la troisième étape d'une vaste réflexion autour du buste de Roger Nols. Après une étude sur Roger Nols commandée au Brussels Studies Institute et publiée dans Brussels Studies qui rappelle les faits historiques, un groupe de travail s'est réuni en 2022 pour proposé à la commune de Schaerbeek de retourner le buste de Roger Nols sur son socle, et d'ajouter un second socle qui accueillerait des contre-objets réalisés par des élèves de la commune à partir de témoignages de personnes ayant vécu à cette époque. La finalité de ce dossier pédagogique est précisément d'aboutir à la création de contre-objets et de témoignages, destinés à être placés en miroir du buste de Roger Nols.
Les élèves sont donc invités à préparer une thématique de leur choix puis à récolter des témoignages dans leur entourage : famille, voisins, commerçants, associations locales... Quelques exemples sont proposés ci-dessous afin d'accompagner les élèves dans la préparation de cette étape. Enfin, les élèves pourront créer un objet (collage, dispositif, texte, objet symbolique...) qui reflètera leurs réflexions et qui pourra être exposé devant le buste de Roger Nols au sein de l’hôtel communal. Si vous souhaitez réaliser un contre-objet qui prendra place devant le socle de Roger Nols, merci de prendre contact avec le service Égalité des chances de Schaerbeek à l'adresse fkarali@1030.be Un formulaire vous est également proposé au bas de cette page pour recueillir vos suggestions et votre avis sur la démarche réalisée avec vos élèves.
Pour le Brussels Studies Institute,
Iadine Degryse, Joost Vaesen, Serge Jaumain, Pierre Van den Dungen
Licences :
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Description des ateliers :
0. Faire l'état des connaissances des élèves
Qui fut Roger Nols ? Quels sont les faits pour lesquels il est resté dans la mémoire ? Voici quelques éléments qui permettent d'introduire ces questions :
- Le quartier Manhattan : tout au long de ses mayorats successifs, Roger Nols s'est très peu occupé de ce vaste chantier à ciel ouvert et des expulsions des habitants. Cette thématique permet d'aborder des sujets sur le développement urbain de Schaerbeek, les expulsions, la solidarité, les résistances...
- Le « Parc fou » en mai 1971 voit le parc Josaphat se transformer en espace de création et d’expression politique, sociale et artistique. Une sorte de révolution culturelle qui permet d’aborder la thématique de l’espace public, des espaces verts, de leurs usages et de l'atmosphère post-mai-68.
- « L’affaire des guichets » (1971-1976) entraine un vaste scandale à l'échelle nationale sur le traitement des minorités dans l'administration communale (néerlandophones et étrangers). Cette affaire permet de parler des discriminations ethniques et linguistiques qui ont frappé de plein fouet les néerlandophones de Schaerbeek.
- « L’appel aux immigrés » est une lettre rédigée par le bourgmestre en 1979 dans laquelle il sous-entend que tous les problèmes de la commune retombent sur les immigrés. Cette lettre est une porte d'entrée pour parler de l’immigration à Bruxelles et de la loi contre le racisme de 1981.
- « La balade à dos de chameau » en décembre 1986 est un 'happening' de Roger Nols pour dénoncer l'octroi du droit de vote aux personnes étrangères aux élections communales. Cette vidéo permet d'introduire la thématique de la participation politique des étrangers et de l'histoire du droit de vote.
Pour aborder ces thématiques, de nombreuses ressources ont été rassemblées dans ce dossier pédagogique (voir plus bas) : photos, tracts, cartes, vidéos, musique, extraits de journaux... A l'issue de cette étape, les élèves et l'enseignant.e auront cartographié les connaissances préalables des élèves et les éventuelles idées préconçues.
Contexte :
Ressources :
------------------------------------------------------------------ Documents d'époque ------------------------------------------------------------------
Vues aériennes du Quartier Nord en 1953 (gauche) et en 1987 (droite). En bleu, les limites du Pentagone. Sur la droite, le Canal. Sur la gauche, les rails de la gare du Nord d'abord installée sur la place Rogier (1953) puis sur son actuel emplacement plus au nord (1987). Images extraites de Bruciel : https://bruciel.brussels/
------------------------------------------ Tracts électoraux d'époque (plusieurs partis, plusieurs communes bruxelloises) ------------------------------------------
------------------------------------------------------------------ Autres ressources ------------------------------------------------------------------
Ressources sur le buste contesté de Roger Nols
Témoignages :
Dans cette section, nous présentons des témoignages de personnes ayant vécu à Schaerbeek dans les années 1970 et 1980. Nous commençons par présenter des témoignages recueillis par le Brussels Studies Institute. Chaque vidéo contient des sous-titres en français et en néerlandais qui peuvent être activés en cliquant sur l'icône [CC]. Nous présentons ensuite de nombreux témoignages trouvés sur Internet et rassemblés ici.
France Blanmailland & Luc Walleyn (28/03/2024)
Jean-Pol Lozet (24/06/2024)
Chantal Kesteloot (11/07/2024)
Jacques Bouvier (08/07/2024)
Michel Poncelet (09/06/2024)
Liévin Chemin, son père & Abdel (nom de famille inconnu)
“Et bien moi je vais vous dire: le racisme, je l’ai vu naître. C’était en 1973. J’avais 16 ans”. Une histoire populaire de l’époque Nols à Bruxelles.
Abdel est l’encadrant des apprentis qui rénovent ma maison. Il récite son histoire populaire du quartier, et me guide dans l’enfance et l’origine sociale de mon père. Puis survient une époque dont Bruxelles pourrait rougir, un épisode long de plus de 15 ans de vulgarité politique. Si “l’époque Nols” encapsule les années de son long mayorat et limitent à un homme l’immoralité du discours sur les étrangers, la mémoire Abdel nous montre le temps continu où les marocains de Belgique ont vécu la discrimination, de façon bien plus salissante et imprégnante qu’on ne pense le savoir aujourd’hui.
"Mémoires de Rasquinet"
Dans les balades sonores "A l'ombre des tilleuls, nos histoires", on part à la découverte de parcs bruxellois et de leur histoire. Dans cet épisode, c'est le parc Rasquinet qui est mis à l'honneur. Fréquenté par de nombreux enfants dans les années 1970 et 1980, les enfants devenus grands racontent leurs souvenirs. Une balade sonore développée en 2023 par l'asbl Urbanisa'son.
Ismaël Saidi (1976-)

Par Indif — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=47414622
Dans cet article, Ismaël Saidi replonge dans ses souvenirs lorsqu'il était à l'école primaire. Devenu adulte, son ancien instituteur organise un souper de retrouvailles avec ses anciens élèves. Ismaël Saidi apprend à cette occasion qu'un échevin ne voulait pas lui remettre une médaille qu'il avait pourtant remporté pour avoir été le meilleur élève de sa classe. Un témoignage écrit ici à la première personne : les lecteurs et les lectrices plongent dans la tête et dans les souvenirs de l'auteur, sans journaliste, sans intervenants, sans question. "Hommage à mon professeur, qui me défendit face à un échevin raciste" - La Libre Belgique, 12 septembre 2023. Une chronique J’assume d’Ismaël Saidi, auteur et comédien.
Sfia Bouarfa (1950-)
Dans cet entretien réalisé en 2006 témoigne Sfia Bouarfa, conseillère communale PS à Schaerbeek (1994-2012), puis sénatrice (2001-2009). Arrivée à Schaerbeek, on lui refuse un logement et de là, elle s'engage dans la lutte contre le racisme et les discriminations au sein du MRAX. Tout au long de cet entretien, Sfia Bouarfa met l'accent sur la participation politique des étrangers, le droit de vote des immigrés, ainsi que l'accès à la propriété et l'établissement de commerces en tant qu'indépendants face aux difficultés de trouver un emploi, tout en maintenant un projet de retour au pays.
Jean-Marie Faux (1923-2022)
Dans les Track 02, 03 et 07, le jésuite Jean-Marie Faux revient sur l’établissement d’une communauté jésuite à Schaerbeek en 1978 et son engagement au MRAX ainsi que pour les populations immigrées. Il est l’un des fondateurs du Front antiraciste de Schaerbeek, créé en 1979 à la suite de l’appel des immigrés de Roger Nols. Jean-Marie Faux revient aussi sur la décision en 1980 de supprimer la loi de 1952 permettant de ne pas inscrire les étrangers dans une commune sous certaines conditions. Mais Roger Nols continue de refuser l'inscription des étrangers à Schaerbeek. Une grève de la faim est entamée par des étrangers et durera presque trois semaines, avant de se solder par l'expulsion des grévistes. En 1982, le Front antiraciste a créé la liste « Démocratie sans frontière » et s’est présenté aux élections communales, en espérant avoir un élu (en vain). Finalement, la loi Gol de 1984 réintroduit la possibilité de refuser d’inscrire des étrangers dans certaines communes.
« Beba » (nom de famille inconnu)
Dans les tracks 4, 5, 8, 11 et 12 de cet entretien, Beba raconte ses souvenirs du Quartier Nord, lorsqu'elle est venue emménager en 1971, peu après avoir émigré de Yougoslavie, et qu'elle s'est engagée dans des associations locales. La moitié du quartier est déjà détruit, mais les débris ne sont pas retirés. Les enfants jouent dans les restes de ferrailles et de briques. Le soir, le quartier est vide et insécurisant. Les lieux sont envahis par les rats. Elle découvre la prostitution, les cafés animés du centre ville aussi. Au début, elle n'aimait pas ce quartier où tout est abandonné, mais progressivement elle s'habitue et s'adapte.
Claire Geraets (1952-)
Arrivée en 1977 dans le Quartier Nord et originaire d'une famille aisée à Uccle, Claire Geraerts est fraichement diplômée de médecine de la KU Leuven (probablement la dernière promo francophone diplômée de la KU Leuven) et ouvre une consultation en tant que médecin de famille dans la maison de quartier au 82 rue Gaucheret. En 1981, ils ont déménagé la maison de quartier dans la rue du pont de l'avenue. Elle raconte la vie quotidienne des habitants du Quartier Nord, le restaurant 3x20 qui accueillait les personnes âgées à midi, les dynamiques de quartier, les asbl subventionnées par la communauté française ou la communauté flamande, les différentes stratégies face au plan Manhattan, les désaccords de vue... Mais aussi ses souvenirs des politiques de Roger Nols et l'impact des luttes du Quartier Nord (tracks 07 à 10). En 2014, Claire Geraerts s'engage en politique au sein du PTB-PVDA et devient conseillère communale PTB à Schaerbeek en 2019.
Jean-Pierre Dupont
Jean Pierre Dupont est un prêtre ordonné en 1960 qui officiait en 1974 à l’Église St Jean et Nicolas à la rue de Brabant à Schaerbeek. Dans cet entretien, il revient sur la grève de la faim organisée par le "Mouvement des travailleurs arabes" dans l'église de Jean Pierre Dupont. Neuf travailleurs (sept Marocains et deux Tunisiens) se portent volontaires et entament le 22 mars 1974 une grève "au finish". Neuf jours plus tard, le Comité ministériel restreint décide l'expulsion des grévistes. Roger Nols, réquisitionné, force l'entrée de l'église accompagné des forces de police. Quelques heures plus tard, les grévistes sont expulsés de Belgique. Les syndicats et la population, choqués par cette issue, organisent diverses manifestations et obtiennent la régularisation de 8000 travailleurs clandestins quelques mois plus tard. Au même moment, les effets du choc pétrolier commencent à se faire sentir en Belgique et offrent de nouveaux arguments contre la présence des travailleurs immigrés.
Le témoignage de Jean Pierre Dupont a également fait l'objet d'un article publié dans Inter Environnement Bruxelles en 2015 par Mohamed Benzaouia : https://www.ieb.be/Regard-autochtone-sur-l-immigration-marocaine
Djamila et son père (nom de famille inconnu)
Dans cet entretien, un enseignant a travaillé sur l'histoire du Quartier Nord avec ses élèves de l'école n°8 de Schaerbeek. Ils rencontrent ici Djamila et son père. Dans les track 11 et 12, Djamila et son père racontent aux jeunes enfants légèrement intimidés comment ils ont été expulsés de leur maison située sur l'actuelle place Gaucheret. Le père connaissait une personne dans le quartier qui avait des contacts. Ils se sont rendus dans le bureau de Roger Nols pour exiger un nouveau logement. Le père de Djamila a ainsi refusé de quitter son logement jusqu'à ce qu'il soit relogé dans un endroit convenable.
Isabelle Durant (1954-)
« A l’époque, on ne pouvait pas s’écarter des chemins et marcher sur les pelouses était interdit. Aujourd’hui, on ne fauche plus autour des étangs, ce qui est bon pour les insectes », explique Isabelle Durant, qui se souvient d’une autre anecdote des années Nols en passant devant le petit pavillon Josephina (style années 1930) où l’on vend encore des bonbons. « Pendant trois jours, contre Nols, il y a eu ce truc incroyable qui s’appelait le “parc fou”. La majorité avait accepté l’idée des organisateurs parce qu’ils n’avaient pas bien compris de quoi il s’agissait… C’était juste après mai 68. On se baignait à moitié nu avec des bouées dans les étangs, on a construit des murs qu’on a détruits, plein de trucs fous. C’était de la contestation. », explique Isabelle Durant (Ecolo) dans cette promenade / conversation avec un journaliste. Isabelle Durant : « On a beaucoup de chance d’avoir le parc Josaphat à Schaerbeek », Le Soir 13 aout 2021
Exemples de guides d'interviews et d'entretiens :
Pour accompagner les élèves dans le recueil de témoignages, ces exemples de guides peuvent être utilisés et adaptés à la thématique choisie ou à la personne interviewée. La préparation du témoignage est une étape importante qui doit être soignée. Ces exemples permettront aux élèves d'opter pour le format avec lequel ils et elles se sentent le plus à l'aise et qui leurs paraissent le plus adéquat avec leurs attentes.
Formulaire de consentement de cessation de droit à l'image
Lors de l'enregistrement d'une interview, il est toujours nécessaire de demander l'autorisation écrite de la personne interviewée. Cette autorisation écrite peut être demandée avec le formulaire ci-dessous. Dans certains cas, la personne interviewée peut demander à visionner l'interview avant de donner son accord. C'est le cas de plusieurs des personnes qui ont été interviewées ci-dessus. Cette demande a toujours été respectée et les personnes interviewées ont pu visionner leur témoignage avant de donner leur autorisation à le diffuser. Aucune personne interviewée n'a demandé à supprimer ou à modifier leur témoignage.
Vous avez une question ? Vous souhaitez proposer une ressource à intégrer dans ce dossier pédagogique ? Vous pouvez envoyer un message à iadine.degryse@ulb.be
Ce dossier pédagogique a été élaboré sur la base des archives de l'AMVB, le CARHOP, la KBR, la SONUMA, le musée de la Vie Wallonne de la Province de Liège, Bruxelles Nous Appartient (BNA), le BrOOC et la tractothèque, avec un financement de la commune de Schaerbeek. Le Brussels Studies Institute tient à remercier toutes les personnes qui ont participé à l'élaboration de ce dossier pédagogique : Florian Daemen, Camille Vanbersy, Albert Martens, France Blanmailland, Luc Walleyn, Chantal Kesteloot, Liévin Chemin, Anne-Cécile Maréchal, Fatma Karali, Jean-Pol Lozet, Jacques Bouvier, Fabrice Meurant-Pailhe et la commune de Schaerbeek.







