En instaurant un nouveau paradigme de discours et d’action pour un grand nombre de métiers du social, à Bruxelles, la décennie 1990 instaure de fait un cadre d’exercice qui place les travailleurs sociaux sous le signe de la guerre à l’insécurité (et de la lutte contre la délinquance juvénile). La direction politique ainsi prise est le point de départ de la banalisation de la terminologie de la prévention et de la sécurité. La dénomination hégémonique de « jeunes » – c’est-à-dire le public-cible des politiques locales – se distille dans le corps médiatique et fait l’objet d’une reprise critique dans la sphère académique dans au début des années 2000. En contrepoint, les concernés opposent leur langue propre : ils parlent d’histoires de drari (les ‘potes’) et de flamands (figure-repoussoir du dominant : le bourgeois, le blanc, la balance, le fayot, etc.) sur fond de relégation scolaire, de segrégation urbaine et de loyauté au quartier. Cette subculture, les intervenants en proximité avec les jeunes – et qui veulent le rester – ne veulent ni ne peuvent la trahir. S’il n’est pas question pour les professionnels de renier le mandat d’intégration socio-scolaire, il faut le « faire tenir » sans tomber sous le coup de l’accusation de trahison. C’est en ce sens que la pratique professionnelle s’apparente à une pratique diplomatique de l’entre-deux.
Date de parution
10/05/2019
Auteur(s)
Maryam Kolly
Edition
Editions Harmattan